Depuis le 7 octobre 2016 se tient une exposition intitulée « Émotions de Verre » au musée du verre sur l’île de Murano, la Mecque du verre vénitien…
En route donc pour le musée, pour s’y rendre il suffit de prendre le « motoscafo », frère du « vaporetto, de la ligne 4.1 ou la 4.2, tout dépend de l’endroit où vous êtes dans Venise, et de descendre à l’embarcadère « Museo » à Murano…
Quelques pas sur la rive et nous voici devant le musée du verre sis dans le « Palazzo » historique qui fut la demeure des évêques de Torcello…
Si les expositions sont situées au rez de chaussée et dans les jardins, les collections permanentes du musée occupent tout le premier étage du palais…
Juste un rapide coup d’œil pour se mettre dans l’ambiance avant que d’aller visiter l’exposition…
De belles salles classiques et spacieuses…
Avec des lustres monumentaux…
D’autres salles à l’agencement muséographique résolument plus moderne…
Avec des pièces de toute beauté comme ce « Trionfo da tavola » (triomphe de table) du 18ème siècle en forme de jardin à l’italienne avec fontaines, arches, vases et parterre de fleurs…
Impressionnant…
Mais laissons ces œuvres classiques que nous connaissons déjà et redescendons au rez de chaussée visiter l’exposition « Émotions de Verre », but de notre visite…
Nous allons y découvrir les œuvres des maitres verriers contemporains de Murano…
200 œuvres choisies donnent vie à un parcours qui offre une vision de l’état de l’art, des différentes techniques et des productions qui réaffirment cette unicité identitaire aujourd’hui synonyme de l’énergie créatrice de l’île de Murano…
Je ne vous montrerai pas les 200 pièces choisies mais uniquement celles qui m’ont le plus interpellé…
Une première vitrine m’a littéralement emballé…
Œuvres de Costantini Vittorio intitulées « Mare » (Mer) représentant de petits animaux marins, comme cette crevette de la taille réelle de l’animal…
Fabuleuse, par la taille, la définition, la couleur, vraiment l’impression de voir une véritable crevette, comme sur l’étal des poissonniers de Rialto ! …
Les petits crabes que nous dégustons à Venise quand vient la saison de la mue…
Une moule, toujours grandeur nature, on s’y tromperait, quand on pense qu’elle est en verre de Murano, c’est fantastique…
Un petit poisson volant…
Une coquille de « garusolo », en France on dirait un bulot…
Coquille de nautilus, ou nautile…
Et cette magnifique coquille Saint-Jacques qu’on dirait qu’elle est vraie…
Les pièces que nous venons de voir sont en « vetro a lume » que l’on pourrait traduire par « verre à la flamme » … À différencier du « vetro soffiato », « verre soufflé » …
Schématiquement, pour le verre soufflé le maitre verrier cueille une masse de verre incandescente dans un four à 1400 degrés…
Il la travaille en soufflant dans sa canne creuse pour lui donner les formes et les volumes requis à l’aide de pinces et autres outils appropriés, puis, à différents stades de son élaboration, il trempe son sujet de verre dans des oxydes pour lui conférer la ou les teintes désirées…
Quand l’œuvre est terminée arrive la phase de recuisson, terme mal à propos car signifiant un refroidissement lent et progressif de la pièce placée dans des fours spécialisés pendant des laps de temps pouvant aller jusqu’à une semaine selon la grosseur et la nature du verre…
Cette phase ne peut être négligée, certaines parties restant chaudes pendant que d’autres refroidissent plus lentement, des tensions peuvent alors se créer provoquant la casse du verre de par le choc thermique.
Pour le « vetro a lume », le verre a déjà été recuit et il se présente en de longues tiges, ou cannes, ou baguettes mono couleur, ou multi couleurs ; soit des baguettes d’un diamètre supérieur incluant d’autres baguettes de couleurs différentes d’un diamètre inférieur…
En prenant un exemple trivial, on en fait un saucisson que l’on découpe ensuite en tranches…
C’est plus ou moins ainsi que l’on fabrique les « Murine » typiques de Murano…
On fait même avec des portraits de personnages célèbres…
Le « Vetro a lume » est le travail de ces baguettes plus ou moins grandes et plus ou moins épaisses, en verre borosilicate, réchauffées à la flamme horizontale à l’aide d’un chalumeau, en recherchant la forme désirée à l’aide de pinces et de courtes cannes à souffler pour donner du volume à certains endroits…
Les mêmes oxydes utilisés pour le verre soufflé permettent de donner les teintes recherchées…
Après cette petite explication sur les deux principaux modes de travail du verre à Murano, continuons notre visite…
Du côté opposé de la vitrine, toujours du même maitre-verrier, Costantini Vittorio, des œuvres intitulées « Terra » (terre) par opposition aux précédentes intitulées « Mare » (mer)…
Tout aussi spectaculaires que les animaux marins, voici les insectes dans leur taille réelle…
Une sauterelle multicolore…
Papillon genus papilio…
Scarabée désarticulé, eupatorius siamensis…
Une fleur avec des abeilles, toujours dans leur dimensions réelles…
Du travail d’orfèvre…
Une sorte de blatte…
Scarabée éléphant…
Scarabée arlequin…
Encore plus petites que les abeilles, les mouches…
La mouche verte…
La mouche taon, bluffant…
J’aurais presque pu prendre un objectif macro pour « fotografier » ces insectes de verre…
Une autre vitrine de « Vetro a lume », œuvre de Amadi Bruno : « Corallo e anemone » (corail et anémone) …
Le corail…
Toujours nos petits crabes verts…
Et l’anémone…
La vitrine suivante, toujours d’Amadi Bruno, « Insetti » (insectes) …
Vue d’ensemble…
Détail des « farfale » (papillons) …
Et même une « zanzara » (moustique), en vénitien « Mossàto » …
Changeons de planète, un buste de Rhodes, sculpture massive en verre blanc irisé de Signoretto Pino…
Un collier de verre en rouge vénitien par Vianello Paola…
Une œuvre intitulée « Over me » par Berno Simone et Signoretto Silvano…
« Attendo il pranzo » (j’attends le repas), œuvre de Vianello Mauro, « vetro a lume » sur plaque de marbre, une salamandre qui surveille son casse-croute…
« Cardi contorti » (Chardons tordus), œuvre de Tabasso Lilla, modelé à la flamme et soufflé, vase en verre borosilicate…
La « foto » ne ment pas, il faut vraiment mettre le nez dessus pour s’apercevoir que c’est du verre…
Magnifique…
De la même artiste, fleur de pivoines avec insecte…
Toujours de Tabasso Lilla, composition en décomposition…
Je n’ai pas de mots pour qualifier ce vase et ses fleurs fanées, les feuilles tombées et le vase avec son eau croupie, on y croirait…
Splendide…
Zoom sur le vase…
Un lustre en verre soufflé de Fornasier Fabio, je ne peux pas m’empêcher de shooter les œuvres en rouge vénitien, je suis fan de cette teinte…
« Tartaruga gigante » (tortue géante) par Dalla Valentina Adriano, composée de 12 pièces assemblée sur une structure autoportante en acier, scellée par l’intérieur…
Technique mixte de verre massif et soufflé…
De plus près…
Sculpture de Zanella Davide…
Je parlais en début de reportage des cannes de verre utilisées pour le « Vetro a lume », l’artiste Bonaventura Mauro les a carrément utilisées pour créer un personnage, grandeur réelle, qu’il a intitulé « Psychosomatic » …
Détail…
Comme nous sommes au rez-de-chaussée, avant de partir un petit tour dans le jardin du palais des Évêques de Torcello s’impose…
Où l’on peut admirer une œuvre de verre gigantesque intitulée : « Il mostro della laguna » (le monstre de la lagune) …
Design : Favrin Simona,
Travail du verre soufflé : Moretti Nicola…
(L’eau dans le bassin est réelle, seul le monstre est en verre) …
N’est-il pas mignon ? …
Ainsi ce termine cette splendide visite…
Les techniques anciennes du verre revisitées par les actuels maitres-verriers de Murano démontrent le savoir-faire et le pouvoir de créativité de ces artistes à la reconquête permanente de l’identité contemporaine de leur île…
Cette exposition se terminera le 25 avril 2017, à ne pas rater si vous passez du côté de la lagune avant cette date…
Claudio Boaretto